Il y a des sujets sensibles, avec une hésitation prégnante à les évoquer. Le retour du loup en France et en Europe en fait partie. A pas de canis lupus*, sous l’angle du voyage, de la cartographie et de la diversité des points de vue, voici article, vidéo, podcasts, cartes et liens pour appréhender le retour en Europe de cet animal à la fois réel et mythique, sujet comme aucun autre où se mêlent vécu, sciences, croyances et polémiques.
Le retour du loup en France et en Europe
Le loup, entre animal sauvage et créature légendaire, fait son retour dans nos paysages européens, suscitant à la fois fascination et inquiétude. À l’image de ses mouvements discrets et de sa progression géographique, ce retour s’effectue à pas de loup, particulièrement en France, où l’animal avait presque disparu au 20e siècle avant d’être protégé.
Aujourd’hui, les débats autour de sa présence se multiplient, et les positions se durcissent parfois, opposant ceux qui saluent son retour comme un symbole de la biodiversité retrouvée et ceux qui le voient comme une menace pour les activités rurales, notamment l’élevage extensif. Mais au-delà de ces considérations immédiates, explorer la question du retour du loup à travers l’angle du voyage, de la cartographie, et des différents points de vue, permet de mieux saisir la complexité de cette cohabitation, à la croisée entre l’humain et la nature.
A noter dans l’actualité que le 25 septembre dernier ↗, les états membres de l’Union Européenne se sont accordés pour diminuer le statut de protection du loup, preuve supplémentaire du débat permanent provoqué par le retour de l’animal.
Carte d’identité du loup
Parfois confondu avec les chiens errants, voici la carte d’identité du loup en France.
Le loup (Canis lupus) est un carnivore social vivant en meutes, territorial et spécialisé dans la chasse aux ongulés sauvages, bien qu’il puisse aussi se nourrir de petites proies, fruits, carcasses, déchets humains ou bétails.
Profil type
- Sa taille : entre 20 et 40 kilogrammes pour un loup, 18 à 30 kg pour une louve et 500 grammes pour un louveteau
- Domaine vital : un territoire de 100 à 1 000 km2
- Reproduction : accouplement de janvier à mars pour des naissances de mars à mai, avec une portée moyenne de 5 à 6 petits.
Que mange le loup ?
Selon une étude réalisée sur 9 meutes de loups dans les Alpes, il se nourrit à 76% d’ongulés sauvages comme le chamois, le mouflon, le chevreuil, le cerf ou le sanglier, et contribue à réguler les populations. Cependant la prédation sur le bétail représente 16% de son alimentation, comme un garde-manger plus facilement accessible qu’une proie sauvage. Les 8% restants étant consacrés aux diverses autres prélèvements, vivants, végétaux ou morts.
Comportent et cycle de vie du loup
Organisé autour de la meute, le couple alpha et la descendance, la structure sociale du loup s’organise autour des naissances, décès et de la dispersion, avec des cycles saisonniers, des interactions et dispersion, variable selon les cycles de vie.
En Europe, on compte environ 17 000 loups, dont 13 à 14 000 dans l’Union Européenne, répartis en neuf populations distinctes, avec des tendances variables selon les régions.
Un voyage à travers le temps et l’espace
Le loup est un animal qui évoque le mouvement. Nomade par nature, il parcourt de vastes territoires, et son retour en Europe suit des chemins anciens, probablement inscrits dans la mémoire de l’espèce, au fil de la déprise des campagnes. L’origine de cette relation complexe entre l’homme et le loup, remonte à l’époque préhistorique. La domestication progressive du loup, ancêtre de nos chiens, révèle à quel point cet animal a partagé la vie de l’homme bien avant que la peur et les légendes ne s’installent.
La cartographie des zones de présence du loup montre qu’il s’adapte à des environnements variés, des montagnes des Alpes aux forêts plus basses du Jura, et jusqu’aux plaines ouvertes. Son retour s’effectue par phases en France, souvent en partant d’Italie, un pays où la population de loups est restée plus stable. Ce retour suit les grands corridors naturels européens, des zones encore préservées, parfois éloignées des zones les plus densément peuplées par l’homme.
À travers ce voyage cartographique, l’on découvre un réseau complexe d’espaces interconnectés, où les animaux peuvent circuler, à condition que les infrastructures humaines le permettent.
Les spécialistes de la faune, à l’aide de colliers GPS et d’autres technologies d’observation, suivent le mouvement des meutes. Cela permet de mieux comprendre leur comportement et d’anticiper leurs interactions avec les zones d’élevage.
Des points de vue antagonistes
Le loup, en dépit de sa discrétion, déclenche des débats houleux. Pour les uns, il est un symbole de la reconquête de la nature sur les espaces humains. Pour les autres, il représente une menace pour les activités économiques locales, notamment l’élevage. La vidéo et les podcasts cités plus loin abordent cette dichotomie en donnant la parole à des experts, des éleveurs, des écologistes et des habitants des zones concernées.
D’un côté, les défenseurs du loup soulignent l’importance de la biodiversité. Le loup, en tant que grand prédateur, joue un rôle crucial dans la régulation des populations de proies, telles que les cerfs et les sangliers, qui peuvent endommager les forêts et les cultures lorsqu’ils prolifèrent. Sa présence redonne à certains paysages leur équilibre naturel, en réduisant la pression sur les écosystèmes. Dans cette optique, le retour du loup est perçu comme un signe positif, indiquant que la nature reprend ses droits, même dans des zones où l’activité humaine est intense.
De l’autre côté, les éleveurs et certaines communautés rurales voient la situation d’un autre œil. Le loup attaque des troupeaux, principalement des moutons, causant des pertes économiques importantes. Si des dispositifs de protection, comme les clôtures et les chiens de berger spécialisés comme le Patou, sont souvent proposés comme solutions, leur efficacité est parfois remise en question face à l’adaptation du loup. De plus, ces mesures représentent un coût supplémentaire pour les exploitations agricoles, qui peinent déjà à subsister dans un contexte de concurrence internationale accrue, et l’argent public, par les dédommagements qu’ils entraînent. Pour ces communautés, la présence du loup est aussi perçue comme une intrusion dans leur mode de vie et leur patrimoine culturel, où l’élevage tient une place centrale.
Le mythe du loup : entre fascination et crainte
Le loup n’est pas seulement un animal de chair et d’os. Il est aussi une créature mythique, un symbole chargé de sens dans les cultures humaines à travers le monde. Dans les récits de contes européens, le loup est souvent le prédateur, celui qui menace les humains, en particulier les enfants et les faibles. Cette image, bien qu’atténuée est ancrée dans l’imaginaire collectif, expliquant en partie la crainte irrationnelle que beaucoup continuent de ressentir face à cet animal.
Mais il existe aussi une fascination pour le loup, que l’on retrouve dans la littérature, le cinéma et les arts. Il est vu comme un symbole de liberté, d’indépendance et de sauvagerie. Son retour, dans ce sens, résonne avec une quête plus large de réconciliation avec la nature, de renouveau des espaces sauvages que l’homme a longtemps cherché à maîtriser. Le loup devient ainsi l’emblème de cette nature indomptable qui revient hanter les marges de nos territoires.
Entre cohabitation et conflit
Quel avenir pour le loup en France et en Europe ?
La question centrale qui se pose aujourd’hui est celle de la cohabitation entre l’homme et le loup. Les autorités locales, nationales et européennes cherchent à trouver un équilibre entre la préservation de l’espèce et la protection des activités humaines. Des plans d’action sont mis en place, visant à protéger à la fois les éleveurs et les loups, mais leur mise en œuvre est souvent complexe et sujette à débat.
En France, par exemple, des indemnisations sont versées aux éleveurs dont les troupeaux ont été attaqués, et des actions de sensibilisation sont menées pour informer le public sur le rôle écologique du loup.
Cependant, ces mesures ne suffisent pas toujours à apaiser les tensions. Certains réclament des prélèvements de population plus importants, c’est-à-dire la possibilité d’abattre un certain nombre de loups pour protéger les troupeaux. D’autres appellent à une meilleure gestion des espaces naturels et à la promotion de méthodes de protection plus efficaces.
Ce débat rappelle que la question du loup en France dépasse largement la simple gestion d’une espèce animale : elle soulève des enjeux de territoire, de culture, d’éthique et de choix politique.
Le retour du loup en Europe, et en France en particulier, est un phénomène qui incarne à la fois la résilience de la nature et les défis d’une cohabitation avec des espèces sauvages dans un monde où les espaces partagés entre humains et animaux se réduisent. Les cartes de ses déplacements racontent une histoire à la fois ancienne et nouvelle, celle d’un animal qui suit ses instincts dans des paysages façonnés par l’homme. La diversité des points de vue, qu’ils soient écologiques, économiques ou culturels, montre qu’il n’existe pas de solution simple ou unique à cette cohabitation.
Comment avancer vers un équilibre, en évitant les positions extrêmes, pour que l’homme et le loup puissent, si possible, partager durablement un même territoire ?
Cartographie du Loup
Et pour continuer l’exploration des territoires de l’animal, voici quelques cartes et liens du loup en France et en Europe.
Carte du loup en Europe
Présent, de passage ou en dispersion possible, le loup est observé aux quatre coins du territoire européen pour une cartographie précise. En voici la carte de sa présence en 2021, extraite du site de la LCIE, Large carnivores initiative for Europe*.
Cartes du loup en France
Réalisé pour le réseau Loup-Lynx et l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS), voici une carte évolution du retour du loup gris en France par région et département, de 1995 à 2019 :
Cette carte a été construite à partir des données collectés pour la version interactive de l’office française de la biodiversité (OFB) visant à localiser et compter la présence du loup gris dans les département régions de France :
Autre carte complémentaire, celle du réseau Loup-Lynx, basée sur les indices de présence collectés et analysés selon 4 types de conclusions :
Présence en cours d’expertise, retenu, non retenu et invérifiable.
Par date, par département et par commune, la carte dispose de filtres pour affiner votre recherche, avec un tutoriel explicatif.
La carte est consultable directement en ligne sur le site de l’OFB :
Le loup dans les régions
Et pour zoomer sur les régions de France, voici quelques cartes complémentaires et localisées.
Régions de France
Publié par l’OFB, 4 cartes des zones de présence permanente (ZPP) avec l’évolution démographique de la population des loups en 2021 sont disponibles. A l’été 2021, 145 territoires de loups ZPP sont identifiés en France, avec 128 meutes constitués sur 4 territoires :
- Normandie
- Grand Est et Franche Comté
- Occitanie
- Massifs Alpins et Provençaux
Accès aux cartes régionales sur la page de l’OFB :
Alpes et Sud-Est de la France
Sur les territoires de la région Auvergne-Rhône-Alpes et des Alpes du Sud en Provence-Alpes-Côte d’Azur, Map Loup en France propose une cartographie interactive des suspicions d’attaques de l’animal, avec un classement par type (bovins, caprins, chiens, équins, ovins, autres) et cumul des victimes estimées.
La carte permet un traitement par mois pour l’année en cours, avec des filtres, par animal et par département :
- Alpes de Haute-Provence
- Ardèche
- Bouches-du-Rhône
- Drôme
- Hautes-Alpes
- Savoie et Haute-Savoie
- Var
- Vaucluse
La carte pour connaître en temps réel les prédations du loup est disponible en ligne :
Également accessible en ligne, un atlas de suivi au fil des années l’évolution territoriale. des attaques attribuées au loup en France dans cette région, avec un rendu par commune, par total des victimes et par année depuis 2010.
L’atlas pour l’exploration des données historiques de la prédation entre 2010 et 2023 est accessible en ligne :
Cette cartographie est co-réalisée par plusieurs partenaires : les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte-d’Azur, le réseau pastoral AURA, le CERPAM, la chambre d’agriculture de l’Ardèche, les sociétés d’économie alpestre de Savoie et Haute-Savoie, la fédération des alpages de l’Isère, l’association d’économie montagnarde de la Drôme (ADEM), l’institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE).
Revue de loup : vidéo, podcasts et presse
Et pour comprendre les enjeux pluriels du retour du loup en France, voici quelques études, points de vue, reportages et enquêtes sur la bête.
Écosystème du loup (série)
L’émission Mécaniques du vivant aborde l’équilibre des espèces, qui préserve la vie des humains sur terre, sans passéisme ni catastrophisme. La première saison radiophonique diffusée en décembre 2022 est consacrée au loup, autour de 4 épisodes :
- Le loup, un ami devenu ennemi
- La meute à la conquête du monde sauvage
- Ces loups qui font pousser les arbres
- Éleveurs, bergers : la guerre au loup est déclarée
L’amoureux du Vivant Marc Mortelmans vous raconte la place du loup dans notre écosystème, de sa domestication préhistorique à ses récentes réintroductions. Ou comment les infimes variations d’une espèce peuvent bouleverser toute la biodiversité.
Mécaniques du vivant, France Culture
Quatre opus de 15 minutes à écouter en ligne sur le site de Radio France :
Le retour du loup (enquête)
Une série originale réalisée par Olivier Vogel et Pascal Doumange de France Bleu Alsace, sur les traces du loup en France et de son retour dans nos massifs :
- Le loup revient
- Le loup, du conte à la réalité
- Sur les traces de la meute
- Le loup, ni ange, ni démon
- Vivre avec les loups
En 2019, Olivier Vogel réalise des reportages sur le retour du loup en France, en Alsace et en particulier dans la vallée de la Bruche où l’événement suscite pas mal d’émotions chez les éleveurs et les bergers. De là est partie son envie d’une enquête au long cours sur les traces de cet animal qui ne laisse personne indifférent.
Avec Pascal Doumange, opérateur du son, ils se sont rendus dans le massif vosgien, mais aussi en Italie, dans les Abruzzes, d’où remontent les loups qui repeuplent nos forêts, et dans le Jura suisse. Ils ont suivi des spécialistes des grands prédateurs : le géographe Farid Benhammou, qui nous explique le retour du loup, le réalisateur Jean-Michel Bertrand et l’éthologue suisse Jean-Marc Landry, qui cherche des solutions pour apprendre à cohabiter avec lui.
Le retour du loup, France Bleu
6 épisodes de 20 minutes environs à écouter en ligne sur le site de Radio France :
Les loups et nous (reportage)
Issu de la rencontre avec des éleveurs, ce reportage propose un témoignage sur la liaison complexe entre le pastoralisme et le retour du loup en France. Les loups et nous est un film réalisé par Mathieu Eisinger avec des images d’Anthony Foussard (2017).
Revue de presse européenne
Le loup comme sujet médiatique, avec quelques titres glanés dans la presse européenne via Courrier International ↗ :
- Feu vert de l’UE pour réduire la protection des loups ↗ (Agence France Presse, 09/2024)
« Les Etats membres de l’Union européenne ont donné leur feu vert pour abaisser le statut de protection du loup, allant dans le sens des éleveurs malgré la levée de boucliers des associations environnementales.«
- Ce drôle de loup en France plus affamé qu’ailleurs ↗ (Süddeutsche Zeitung, Allemagne, 01/2024)
« En France, les loups tuent trois fois plus de bétail en moyenne qu’ailleurs en Europe, selon un rapport de la Commission européenne. De quoi interloquer un journal outre-Rhin, qui se demande qui des loups ou des bergers français sont finalement les plus gourmands.«
- Union européenne : Ursula von der Leyen crie au loup ↗ (La Vanguardia, Espagne, Le Soir, Belgique, 09/2023)
« La présidente de la Commission européenne ouvre la porte à une révision du cadre juridique s’appliquant au loup, une espèce protégée.«
- Pourquoi a-t-on a peur du grand méchant loup ? ↗ (Die Welt, Allemagne, 05/2022)
Du Moyen Âge au XXe siècle, aujourd’hui enfant chéri des écologistes, le loup, source de mythes et de légendes, a longtemps terrorisé nos ancêtres.
Où voir des loups en France
Au-delà de son observation en milieu naturel par les spécialistes, il est possible de voir des loups dans certains zoos et parcs.
- Zoo parc de Beauval
Des loups d’Arctique sont visibles dans ce parc du Loir-et-Cher en région Centre-Val de Loire :
- Safari de Peaugres
Le loup d’Arctique et le loup à crinières d’Amérique du sud, qui ressemble à un grand renard sont présent dans ce Safari d’Ardèche en région Auvergne-Rhône-Alpes :
- Safari Thoiry
Le loup d’Arctique et le loup à crinières sont également hébergés dans la réserve africaine du Safari de Thoiry dans les Yvelines en région Île-de-France :
- Les loups du Gévaudan
Un parc entièrement dédié aux loups avec 5 espèces (loup de Sibérie, Mongolie, Canada, Pologne et Arctique ) des 4 coins du monde, qui se positionne comme le plus grand d’Europe :
Voyage+
- Canis lupus : Loup gris, Loup commun, Loup vulgaire, Wikipédia
- Map Loup : carte ↗ et atlas ↗ des suspicions d’attaques
- Conservation et protection du loup, FEBUS ↗
- Le loup en France, OFB ↗
- Entre chien et loup, 26 minutes en vidéo pour comprendre, C’est pas Sorcier (2013) ↗
- Le loup parmi nous, Salamandre ↗
- Wolf, LCIE ↗
- 11 questions sur le loup, PNR Haut-Languedoc ↗